
© Jean-Christophe Marmara
2006
« Premier départ de ma première Solitaire. Je passe en tête à la bouée Radio France à la sortie de la rade de Cherbourg. 43 figaristes derrière moi, j’ai du mal à y croire. Et au coucher du soleil, après avoir traversé la Manche au reaching, je suis toujours en tête à la bouée des Shambles. Est ce qu’on m’aurait menti ? J’avais alors dit à un journaliste : « je pourrai dire à mes enfants que j’ai été en tête de la Solitaire. » »

© Jean-Christophe Marmara
2007
« Une année de dingue. Je suis papa depuis quelques mois lorsque je prends le départ de ma deuxième Solitaire. 31ème lors de ma première participation à cause d’une deuxième étape manquée et pétoleuse, j’espère montrer que je vaux mieux que ça. L’objectif du Top 10 peut paraitre ambitieux mais je sais que j’en suis capable. 10e et 11e des deux premières étapes, je suis dans le coup lorsque nous partons de Brest pour rallier la Corogne. Le parcours a été modifié le matin du départ pour éviter une grosse dépression au Fastnet. Mais la direction de course nous envoie dans l’estuaire de la Gironde et pour ressortir de là, on va se prendre une autre dépression au moins aussi forte !!! Je suis aux avant-postes pendant toute l’étape. Dans le golfe de Gascogne, nous naviguons au près dans 45 noeuds de vent établis et une mer démontée. GV 2 ris, Solent arisé, à l’intérieur sous pilote car c’est trop dangereux dehors. Les paquets de mer m’empêchent de rester assis à la barre. Nous n’avons pas d’AIS à cette époque et très vite je ne sais plus où sont les autres, j’ai juste Gildas Mahé en VHF toutes les heures pour être sûr qu’on est toujours à bord. Mais je reçois des cartes météo sur mon vieux Fax Furuno. La dépression n’avance pas très vite, alors j’insiste dans l’Ouest pour aller chercher la bascule de vent.
Lorsque j’entre dans la Baie de la Corogne, le vent s’est calmé, je suis sous spi et je ne vois aucun autre Figaro, je ne sais pas vraiment où j’en suis.
Moi : « comité de E.Leclerc-Bouygues Telecom, tu me reçois ? »
Comité de course : « Corentin on te reçoit »
Moi : « je suis en approche de la ligne, à 1 mille »
Comité : « 0n t’a en visuel »
Moi : « tu as vu d’autres Figaro ? »
Comité : « je viens de me mettre en place »
Moi : « … ! »
Une victoire d’étape sur ma 2e Solitaire. Difficile à décrire, à imaginer quand tu arrives sur ce circuit. 48 minutes devant Mich’ Desj qui venait chercher une 3e couronne (qu’il a eu). Un truc incroyable.
Et au-delà de ça, une 3e place au général final, et une 11e place sur la 2e étape comme plus mauvais classement.
Quand t’as goûté à ça, c’est difficile de ne pas y revenir. »
2008
« Les années se suivent et ne se ressemblent pas, 2008 est une année de merde !
Une première étape qui commence dans la grosse molle avec 60 milles parcourus les premières 24 heures, et dont l’arrivée est déplacée pendant l’étape. Prévue à Vigo, elle se fait devant une plage sous la Estaca de Bares. Je n’ai pas réussi à m’extraire assez vite de la molle, et prends une raclée. Ensuite nous avons 150 milles à faire en convoyage, et en solitaire, pour rallier Vigo. Ravitaillement en gazole improvisé à Camarinas (toujours partir en mer avec sa Carte de Crédit !!!). Trois skippers s’échouent pendant ce convoyage le long des falaises de Galice, victimes du manque de sommeil, heureusement sans dommages majeurs.
Je ne serai malheureusement pas plus inspiré sur la 2e étape entre Vigo et Cherbourg, et me voilà au fin fond du classement.
Dernière étape, Cherbourg –l’Aber Wrac’h, en passant par l’ile de Man. Une dépression, que l’on voit arriver depuis plusieurs jours, menace de nous cueillir avec plus de 50 noeuds à la sortie du canal St Georges. Une nouvelle fois, la direction de course change ses plans le matin du départ. On oublie l’ile de Man et on va virer une bouée météo au large de la Bretagne. Cette bouée fait moins d’un mètre de haut. Elle est mouillée par grand fond, donc elle se trouve dans un cercle de 2 milles de diamètre. Et on y arrivera dans plus de 30 noeuds de vent avec de la houle. C’est n’importe quoi.
Au départ de Cherbourg, un petit groupe part vers le large et traverse le DST (Dispositif de Séparation de Trafic empruntés par les navires marchands) des Casquets. Un cargo est obligé de faire une manœuvre d’urgence pour les éviter. Le commandant du CROSS Jobourg, qui était venu nous réexpliquer les règles pour traverser ces zones lors du briefing de départ en tombe probablement de sa chaise. Et c’est moi qui relaie son appel VHF à la direction de course en mer. Depuis, les DST sont des zones interdites en course, et nous sommes équipés du système AIS en émission et réception.
Nous continuons à tirer des bords le long des côtes bretonnes. Je ne suis toujours pas inspiré !
Le dernier bulletin météo tombe, le coup de vent approche. Après s’être fait copieusement souffler dans les bronches par le CROSS, la direction de course nous rappelle que si on peut, c’est mieux de couper le DST de Ouessant perpendiculairement… ! Je n’en crois pas mes oreilles.
Je me dis alors que d’aller passer une nuit noire au milieu des cargos dans plus de 30 noeuds pour préserver une 25e place, ça n’a pas beaucoup de sens. Je fais donc demi-tour et je suis le premier Figaro à m’amarrer à l’Aber Wrac’h, mais pas en vainqueur, loin de là.
Il me faudra un peu de temps pour comprendre et digérer tout ça. Mais si j’en crois Nietzchse : « ce qui ne me tue pas me rend plus fort. » »
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2009
« Malgré de bons résultats en avant-saison (2e à la Solo Les Sables), et un départ canon lors de la première étape à Lorient, je ne fais pas grand-chose de bien cette année là. Jamais décroché, mais jamais vraiment aux avant-postes. Comme en 2006, nous retournons à Dingle. Et comme en 2006, toute la flotte passe la ligne d’arrivée en 15 minutes. Je termine finalement 16e de cette édition. C’est mieux qu’en 2008, mais pas satisfaisant pour autant… ! Mais on a fait de belles photos avec Jacques Vapillon. »
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2010
2014
« Après 3 ans d’absence, je me fixe comme objectif d’être au départ du Vendée Globe 2016. La Solitaire est donc le meilleur moyen de naviguer en solo et d’annoncer cet objectif. Mon ami Didier Bouillard me prête son bateau, mon ami Donatien Carme se recolle à la préparation, et c’est reparti pour un tour.
Lorsque j’ai quitté le circuit, la Solitaire se courrait en Août depuis 1970. Mais maintenant c’est en Juin. Donc la préparation est courte. 9e sur la Solo Maitre Coq, 5e sur la solo Concarneau, je n’ai pas trop perdu la main.
Cette édition de la Solitaire est extrêmement serrée et animée ! 16e, 10e, puis 7e des trois premières étapes, je suis dans le coup malgré une pneumopathie diagnostiquée à mi-parcours. Sur la dernière étape, nous partons des Sables d’Olonne et j’arrive en tête à l’occidentale de Sein avec pas mal d’avance sur la flotte. Malheureusement pour moi, nous butons dans le courant de marée et nous prenons un deuxième départ à Ouessant. Après un passage par une bouée en Angleterre et quelques zigzag dans les îles Anglo-Normandes, nous arrivons à 10 bateaux en même temps dans le Raz Blanchard. C’est jamais facile la régate au contact après 3 nuits en mer, mais ça tient éveillé. Je prends finalement la 3e place de cette étape à Cherbourg, 3 minutes derrière Jérémie Beyou qui remporte sa 3e Solitaire, et Adrien Hardy. Avec une 8e place au général, c’est une belle conclusion pour ce retour sur le circuit. Ça n’a pas suffit pour décider des partenaires pour le Vendée Globe suivant mais j’ai pris beaucoup de plaisir sur cette Solitaire. »
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Photo Alexis Courcoux
2015
« En ce qui me concerne, le fait le plus marquant cette année là, c’est que j’arrive à Bordeaux avec un budget loin d’être bouclé. Nous sommes à 10 jours du départ, et je passe beaucoup plus de temps au téléphone et à envoyer des mails qu’à préparer ma course. Le samedi, j’envoie encore quelques mails a des chefs d’entreprise que je ne connais pas et dont je viens de récupérer les coordonnées, puis je me dis que j’arrête là, que je me concentre sur la course et qu’on fera avec les moyens du bord. Il reste 8 jours.
Le lundi, je suis attablé en terrasse avec mon préparateur pour déjeuner, en essayant de me concentrer sur ce qu’il nous reste à faire d’ici dimanche pour être prêts, lorsque mon portable sonne. Un numéro inconnu.
– Allô
– Bonjour, c’est F. R.
– Oui ?
– Vous m’avez envoyé un mail samedi, je suis le PDG de Sofinther
– Ah oui, excusez-moi
– Il est bien votre projet, c’est ok pour moi.
– … !
– Vous pouvez m’envoyez un contrat ?
– Euh, oui bien sûr.
– Là c’est la pentecôte et je suis en week-end, mais demain matin je vous fais envoyer les fichiers pour le marquage
– D’accord
– Je vous dérange pas plus longtemps, vous devez avoir pas mal de choses à faire à une semaine du départ. On se rappelle demain.
– Très bien, merci M. R, à demain.
Le marquage de la coque, avec Baptiste Chardon et Simon Troël, dans un semi-rigide sur la Garonne, n’a pas été une mince affaire. Mais voilà comment commence deux années de partenariat avec une belle équipe que je n’ai rencontré qu’après cette Solitaire que je ne termine que 14e. Ensuite il y a eu une magnifique victoire sur le Tour de Bretagne avec Christian Ponthieu, et une belle Solitaire 2016 que je vous raconterai… »
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